samedi 16 mars 2013

“Falun gong: un militantisme déterritorialisé”

Vermander, Benoit. “Falun gong: un militantisme déterritorialisé”. Esprit, Chine : une dictature dans la mondialisation. Décembre 2001. 95-111.

Texte par Catherine Gauthier.

     Professeur à la Faculté de philosophie de l’Université Fudan à Shanghai et chercheur associé au Asia Center, le sinologue et politologue français Benoît Vermander est connu notamment pour ses travaux et recherches sur les religions et théologies en Chine ainsi que sur la place de cette dernière dans la mondialisation. Son article Falun gong: un militantisme déterritorialisé traite des épreuves traversées par les adhérents au mouvement, qui sont persécutés dans une lutte entre eux et le gouvernement.
 
   Vermander commence par une rapide histoire des protestations silencieuses des pratiquants et les répressions du gouvernement à leur égard. Le 22 juillet 1999, l’État déclare le Falun gong illégal, faute d’être enregistré auprès du Ministère des affaires civiles. De plus, on accuse le mouvement d’être responsable de centaines de décès, liés à ses pratiques, et s’ensuit une « large campagne de répression du Falun gong » (96), au cours de laquelle le Comité permanent de l’Assemblée nationale proscrit les activités des « cultes pervers » et punit ceux qui contreviennent à l’interdiction, sous forme de procès ou de peines plutôt sévères. Un an plus tard, jours pour jours, des manifestants sont battus au sang sur la place Tiananmen (97), et encore, quelques mois plus tard, Amnistie Internationale dénombre 77 décès en détention, 450 arrestations, 600 personnes envoyées à l’asile et près d’une dizaine de mille envoyées en camp de rééducation (97). En avril 2001, c’est au tour du Falun gong d’estimer ses pertes, qu’il élève à plus de 180 décès, directement liés aux répressions gouvernementales.


     L’auteur explique « [qu’]aux yeux du gouvernement chinois, le Falun gong est un ‘culte pervers’ ou une ‘organisation sectaire (hétérodoxe)’ » (99), étant en fait des organisations et groupes spirituels qui n’ont pas l’accord du gouvernement. Celui-ci cherche à salir le mouvement en le présentant via les médias et les brochures comme une perversion, un culte déviant, ce qui justifie les répressions, la surveillance et l’encadrement de la part de l’État. En fait, c’est le « potentiel subversif de tout mouvement religieux » (100) présent dans le Falun gong qui dérange le gouvernement, car il ne correspond pas à ses idées sur le « développement matériel et spirituel » positif qu’un culte bien encadré et sain peut apporter à la Chine (100). 
 
     Alors que le gouvernement interdit la pratique publique d’une religion, le fondateur du mouvement, Li Hongzi, insiste que c’est là le seul moyen de pratiquer le Falun gong afin d’atteindre un certain niveau d’efficacité. De plus, il encourage les disciples à sortir de chez eux et à participer aux manifestations pacifiques, indiquant que la pratique et la protestation publique sont nécessaires au salut des adhérents (101), le Falun gong étant une « communauté de pratique » (103) qui lutte pour la rédemption contre les forces du mal, selon Vermander. Aussi, alors qu’on pourrait croire le contraire étant donné leur rôle actif dans les répressions, on compte parmi les forces militaires et policières plusieurs adhérents au mouvement, et même possiblement dans divers échelons du PCC, quoi que ce dernier point reste à prouver (105).
 
     Le sinologue traite aussi des confrontations inévitables entre le Parti de le mouvement, des diverses actions et proclamations du fondateur au sujet des mauvis disciples’. Vermander suggère aussi que le mouvement a deux futurs possibles, soit, comme plusieurs autres cultes en Chine, « vers une position plus médiane », ou se diriger totalement à l’opposé, vers une radicalisation des actions des adhérents pour faire face aux répressions. De plus, il ajoute que le mouvement, de par ses interactions avec les organisations humanitaires, ses préoccupations quant aux droits de l’homme et sa dénonciation des abus des forces policières et militaires, fait parti « des évolutions socioculturelles à l’œuvre en Chine » (109).
 
     Il conclut en offrant un résumé des différentes observations faites sur le mouvement par rapport à ses pratiques et épreuves vécues au tournant du siècle. Cet article présente de façon intéressante les diverses épreuves et idées des adhérents au Falun gong et son créateur. Il est d’ailleurs intéressant de constater les difficultés à pratiquer un culte en Chine, et comment le pays était, à l’écriture de cet essai en 2001, et est encore aujourd’hui, en processus de changements internes qui touchent la culture et les croyances, même lorsqu’à l’encontre du désir du PCC.

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