samedi 20 avril 2013

Protestant Christianity in Reform-Era China

Texte de Nezly Esseghir

Ownby, David, “Protestant Christianity in Reform-Era China: Realities and Representations”, Article présenté durant la conférence “Negotiating the Global with the Local: Translating Christianity in Modern East Asia”, à Claremont McKenna College, Californie, 26 & 27 février 2010 

Détenteur d’un Baccalauréat en Histoire de l’Université Vanderbilt, ainsi que d’une Maîtrise et d’un Doctorat en Histoire et Études Est-Asiatiques de l’Université Harvard, David Ownby est actuellement professeur titulaire d'Histoire à l'Université de Montréal. Auteur de Brotherhoods and Secret Societies in Early and Mid-Qing China: The Formation of a Tradition (1996) et de Falun Gong and the Future of China (2008), ses intérêts de recherche sont centrés sur l'histoire de la religion en Chine moderne et contemporaine.

Dans le cadre d’une conférence ayant pour thème « Christianisme Protestant dans la Chine de l’ère de la réforme: réalités et représentations », l’auteur nous propose un état des lieux de l’expression du christianisme dans l’Asie moderne à l’ère de la globalisation et pose la question de la montée du protestantisme en Chine. En effet, sur la base des chiffres avancés par les statistiques officielles, complétés par ceux des « House Church Christians » et recoupés avec des informations internes attestées lors de rencontres de l’Administration des Affaires Religieuses de l’État chinois, l’ère post-Mao aurait vu naître un renouveau de la religiosité en Chine, pour les religions populaires traditionnelles, mais surtout pour le christianisme, principalement à travers le protestantisme. Après avoir atteint les presque un million de convertis en 1949  depuis l’arrivée des missionnaires, et après avoir parfois perdu des membres pendant l’ère Maoïste, la Chine compterait aujourd’hui 130 millions de chrétiens, dont seulement 20 millions de catholiques, incluant les églises officielles et celles non-agréées par les autorités chinoises. Ce qui placerait la Chine en troisième position mondiale en termes de nombre de chrétiens. Ceci met en lumière, selon l’auteur,  l’importance que prend l’expansion du protestantisme en Chine et l’importance d’étudier le phénomène tant pour les fidèles, les chercheurs dans le domaine du renouveau religieux, que pour les autorités chinoises.


Cependant, plusieurs raisons rendent la recherche sur le sujet difficile et limitée: d’abord l’ambivalence de l’État chinois et de ses organes officiels (le Conseil Chrétien Chinois (CCC) et le Comité National du Mouvement patriotique des trois Églises Protestantes Autonomes de Chine, communément appelé The Three-self Protestant Movement (TSPM)) sur la question religieuse, qui admettent son rôle dans la construction de la cohésion sociale, mais souhaitent en cantonner les effets dans la modération; par ailleurs, les églises protestantes House Church Protestant (HCP), victimes de harcèlement par les autorités, et bien que largement répandues dans le tissu social de la Chine rurale, demeurent très discrètes sur leur mouvement, leurs adhérents et leur portrait ethnographique; il y a aussi la partisannerie des auteurs sur le sujet qui biaisent l’information; enfin, le travail de terrain étendu permettant de constituer une base d’information objective et exhaustive de cette réalité complexe est difficilement réalisable dans les conditions politiques actuelles en Chine. Ces difficultés jettent un voile nébuleux difficile à dissiper sur le portrait de l’expansion actuelle et future du renouveau protestant en Chine. 

En préparation à cet article, l’auteur a passé en revue des études journalistiques et universitaires occidentales, des études universitaires chinoises, des déclarations des autorités laïques et religieuses chinoises ainsi que le matériel documentaire produit par les organisations des missionnaires chinois, et nous en présente son analyse et son constat.

Du point de vue Occidental, l’auteur fait le constat que l’information demeure partisane. Aussi, comparativement à la recherche sur la politique et l’économie chinoises depuis la fin de la période Maoïste, la recherche sur le protestantisme chinois demeure embryonnaire et dominée par le sensationnalisme de la persécution et des évaluations spéculatives du portrait démographique. Parmi ses lectures, l’auteur retient Lambert et Aikman qui se sont penchés sur le leadership et l’expansion du HCP. Cependant les convictions religieuses de ces deux auteurs transparaissent dans la perspective de leurs études qui est plus centrée sur le christianisme que sur la question chinoise, ce qui les fait négliger la question de la relation entre la minorité chrétienne et la majorité non-chrétienne. À cela l’ouvrage de Lian Xi offre un complément critique non négligeable, en mettant l’emphase sur la possible adhésion massive de la population rurale chinoise à la vision apocalyptique du protestantisme chinois en réponse à sa misère morale et sociale du temps du régime maoïste, et en mettant en lumière les églises souterraines plus sectaires, qu’il voit plus comme une source d’inquiétude qu’une source d’espoir en raison de leur violence. Wickeri, quant à lui, propose des arguments à la défense de la position du TSPM qui, selon lui, s’est vu contraint de faire des concessions aux autorités chinoises, justement pour assurer la survie de l’Église en Chine. Ce à quoi Kindopp objecte que la position de TSPM n’est en fait animée que par sa soumission aux intérêts de l’État-Parti au détriment de ceux des membres de son Église, en soulignant son échec à interagir de manière productive avec le HCP et les autres mouvements locaux. Enfin, l’auteur cite Yang Fenggang dont les recherches argumentent dans le sens où le protestantisme est vu par la population de la Chine moderne actuelle comme la représentation de la modernité dans le monde post-Mao.

De l’intérieur, le point de vue chinois sur le renouveau protestant, de ce qui transparait à travers les sources « autorisées », est victime d’œillères et frappé de mutisme. Il n’est pas clair, pour l’heure, si ce déni officiel est dû simplement au fait que les autorités ne sachent pas quoi en penser ou s’il relève d’une stratégie plus subtile de la part des autorités pour ne pas éveiller plus avant la conscience de la communauté protestante de son importance. Certaines recherches universitaires chinoises sur la question du HCP tendent plus généralement vers la désapprobation de la montée du protestantisme, vue comme étant une preuve que la culture et la société chinoises ne sont pas encore parvenues à la modernité. D’autres se restreignent à formuler l’information sur l’expansion du HCP sans pour autant inciter au débat. Une autre catégorie de chercheurs soutient le HCP arguant que le mouvement a fait le pas de se défaire de ses pratiques arriérées (culte) et qu’il est temps pour l’État-Parti de l’intégrer comme partenaire dans son projet de société harmonieuse. Du point de vue des autorités, l’image de la religion est plus positive, et le discours affiché est celui de l’ouverture et de l’intégration de la religion dans la construction de la nouvelle Chine moderne. Dans les faits, les membres des HCP demeurent sous haute surveillance sans jamais que la problématique soit officiellement adressée, et les églises officielles sont au service de l’État. La lecture d’une partie de Tianfeng, organe de publication officiel du TSPM et des CCC, s’est révélée être une source de preuves éloquentes de ce déni officiel. Cette publication ressemble à un amalgame de discours officiels des chefs religieux et d’enseignements religieux, et se cantonne plutôt à se faire le porte-voix de l’État-Parti pour claironner sa vision.

Et c’est dans ce vide laissé par les autorités et les chercheurs chinois que la diaspora protestante chinoise a trouvé la brèche pour donner élan à son prosélytisme. L’auteur cite en exemple d’abord ChinaAid, fondée en 2002 par Bob Fu, ancien activiste du HCP, exilé aux États-Unis. Cette organisation s’est dotée de la mission de donner une voix aux opprimés en exposant les persécutions, en encourageant les victimes et en outillant les chefs religieux pour faire avancer la liberté de culte en Chine. Leurs outils de prosélytisme sont principalement des publications telles que Chinese Law and Religion Monitor et leur site internet où ils divulguent des informations collectées sur les victimes et les agissements des autorités. Bien que les informations divulguées le soient à partir du biais partisan, elles demeurent riches d’enseignement sur la problématique de la persécution du HCP et l’évolution du discours officiel sur la religion. Il y a ensuite et surtout The China Soul for Christ Foundation (CSCF) dont l’approche mêlant politique et prosélytisme est plus subtile mais repose sur une « force de frappe » plus efficace : les médias audio-visuels et l’internet. Après avoir publié son œuvre China’s confession : God and five thousands years in China, l’auteur et fondateur du CSCF  Yuan Zhiming en fait une série de vidéos. Dans cet ouvrage, Yuan Zhiming arrive par la magie de la réinterprétation de l’histoire à relier le christianisme au berceau de la civilisation chinoise, faisant ainsi du protestantisme non pas une trahison envers l’identité religieuse chinoise mais bien un retour vers celle-ci, l’originelle, la vraie. L’autre œuvre majeure du mouvement est une autre série documentaire vidéo en quatre épisodes, The Cross : Jesus in China, où Yuan raconte les vibrantes et sincères expériences de gens, à travers 18 provinces et villes chinoises, convertis au protestantisme. Ces vidéos, et plusieurs autres productions de Yuan, sur CD, DVD et VCD, qui sont distribuées aussi largement que possible, gratuitement et libres de tout droit d’auteur en Chine, constituent les principaux supports de prosélytisme du CSCF. Bien qu’il soit difficile d’en quantifier l’impact ou l’influence dans l’expansion du renouveau protestant en Chine, il n’en demeure pas moins que le fait que le gouvernement y porte une attention accrue et minutieuse, le fait que Yuan et ses films soient encore interdits en Chine, en dit long sur son rôle.

Selon le point de vue d’où se situent les recherches actuelles sur la question du renouveau protestant en Chine, l’information diverge et le portrait de la situation semble encore insaisissable. Cependant, l’engouement des Chinois pour cette religiosité nouvelle semble prendre ses racines dans une quête identitaire. Une quête pour une identité chinoise, vertueuse et résolument moderne, à travers l’adhésion à un impérialisme religieux générant la montée du protestantisme, dans une envie d’embrasser une image que la population chinoise se fait de la modernité.

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